France : Le « Djidji Ayôkwé » des Atchan revient donc quand en Côte d’Ivoire ?

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Annoncé depuis pratiquement trois ans, la place qu’il doit occuper en arrivant est déjà aménagée, et le personnel du Musée National des Civilisations de Côte d’Ivoire sis au Plateau attend – impatiemment – mais tout le personnel, tout le monde se pose une même question : le « tambour parleur Â» Atchan (re)viendra quand à Abidjan ?

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Il est vrai, faut-il noter qu’il y a un passage qui se présente comme obligatoire avant le retour du tambour parleur, c’est la restauration qui a d’ailleurs débuté le lundi 14 novembre de l’année 2023, en région parisienne de France. L’objectif ? Consolider le tambour des Ebrié. 

Petit rappel…

Le monde entier sait depuis le 10 novembre 2023 que la France a restitué au Bénin 26 Å“uvres « volées Â» pendant la colonisation. Depuis fin 2018, la Côte d’Ivoire aussi avait demandé officiellement la restitution de ses exactement 149 Å“uvres. Emmanuel Macron s’est engagé à restituer à la Côte d’Ivoire l’une d’entre elles : le «Djidji Ayôkwé» (le « tambour parleur Â») des Ébrié, initialement appelés « Atchans », exposé au musée du Quai Branly, à Paris.

Depuis, la chefferie traditionnelle Atchan salue le geste de la France et attend le retour à Abidjan de cet objet parti en 1916. Cela fait donc 107 ans. Cette information nous est parvenue grâce à Radio France Internationale (RFI), la radio française, avec le correspondant à Abidjan, Pierre Pinto.

Que sait-on du « tambour parleur Â» ?

Le « tambour parleur Â» servait à prévenir des dangers, mobiliser pour la guerre ou convoquer à des cérémonies ou des fêtes. Des sept villages Atchans qui bordaient la lagune du même nom autrefois, Adjamé faisait office de centre névralgique, car dépositaire du tam-tam parleur, comme explique le doyen Clavaire Mobio Aguego, actuellement détenteur de l’autorité traditionnelle à Adjamé : « C’était un moyen de communication à l’occasion d’une fête… Quel que soit ce qui devait se passer, c’est Adjamé qui tapait le tam-tam pour les appeler. C’est un tam-tam qui, vraiment, jouait beaucoup de rôles. Si les colons l’ont pris, c’était une manière de pouvoir avoir la mainmise sur le groupe Atchan Â».

Les Atchans prêtent à ce tambour de forts pouvoirs mystiques, et certains s’inquiètent de le voir revenir. Mais la joie de voir revenir l’emporte largement.

Les autorités ivoiriennes lui ont déjà réservé une place au Musée national, situé au Plateau, sur les anciennes terres du village d’Adjamé : « Nous, on le voit sur toutes les photos. On ne l’a jamais vu. Nous en sommes très heureux. Quand il sera là et qu’il sera exposé au musée, on ira le voir de près, explique Clavaire Mobio Aguego. Bon, il y a certaines dispositions à prendre avec les autres peuples Atchans. Il faut que tout ce peuple, les sept villages, se réunissent pour savoir les dispositions à prendre et comment l’accueillir. Ça, c’est très important. Â»

 Un autre chef Ebrié témoigne : « Lorsque nous sommes allés en France, plusieurs personnes du Musée du quai Branly de Paris, ont eu à prendre la parole pour témoigner des choses et faits autour de notre Djidji Ayôkwé. D’où la nécessité de la cérémonie pour laquelle nous sommes partis : la désacralisation.

Djidji Ayokwe

Il arrive des jours où le tam-tam émet des vibrations et des sons… Aujourd’hui, quoiqu’on dise, il fait partie du patrimoine français. Mais à l’origine, c’est à nous qu’il appartient Â».

Quand leur président a annoncé que le tam-tam allait revenir en Côte d’Ivoire, il y a eu des mouvements sur les réseaux sociaux chez eux. C’était devenu l’actualité française. Et notre chef en sait quelque chose : « Djidji Ayôkwé a aidé à faire entrer de l’argent dans les caisses du musée. C’est un patrimoine far. Le retour du Djidji Ayôkwé va susciter en nous une certaine satisfaction et un bien-être. Tu ne peux pas te retrouver en face du Djidji Ayôkwé sans avoir la chair de poules. Quand tu vois, tu as des frissons… Nous, peuple Atchan, on n’est plus au stade de frustrations, de choc et autres. Il y a ce qui relève de la métaphysique Â», dit-il.

« Politiquement, pour faire venir le Djidji Ayôkwè, les autorités françaises sont en train de parler de lois cadres aux niveaux du Sénat et de l’Assemblée nationalede France », révèle-t-il.

Pour conclure, le chef Atchan a dit : « Cela fait 107 ans que le tam-tam est parti. Il est placé dans un musée où les gens se déplacent de partout pour aller le voir, le regarder. Nous demandons un milliard pour chaque année. Cela fait donc 107 milliards que les gens devront nous verser pour les sept villages Atchan, comme dédommagement Â».      

Jusque-là, aucune date précise de retour n’a été fixée. L’idéal, juge un des doyens qui estime que cela laisserait le temps à son peuple d’organiser un accueil digne de cet objet devenu légendaire. Surtout que l’actuel Ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, Bandama Maurice, était l’ancien Ministre de la Culture et de la Francophonie. C’est donc sûr que les choses devront rentrer dans l’ordre. Mais il faut le dire, un retour qui prend son temps. Nous attendons donc !

Un tour en France

Deux restauratrices s’affairent autour de l’objet qui, lui, est suspendu en l’air à l’aide d’un appareil de levage. C’est dans cette entreprise spécialisée d’Aubervilliers, dans le nord de Paris, qu’est restauré le Djidji Ayôkwé. Un travail qui consiste surtout à consolider la partie basse qui a été mangée, en partie, par des insectes xylophages après être resté près de 15 ans en extérieur suite à sa saisie en 1916 par les colons français.

À l’aide d’un adhésif consolidant, Anne Courcelles s’affaire à la tâche. « On utilise un produit – préparé en solution dans de l’éthanol- que l’on passe avec une pipette ou au pinceau ; on l’applique jusqu’à saturation et après, on met un Melinex, un film polyester transparent pour diminuer l’évaporation du solvant, de sorte que le produit aille vraiment à cÅ“ur dans le bois Â», explique-t-on. 

Certaines petites parties du tambour s’étant détachées, un travail de collage est également entrepris. Et à l’issue de cette restauration, l’objet sera placé sur un socle. Une opération complexe pour un tambour aussi massif. « Il devrait être supporté comme sur un berceau qui reposera sur une structure métallique. Elle pourra être camouflée, mais en tout cas, cette structure permettra de lever l’objet avec un transpalette, sans risque d’exercer des pressions qui risquent de l’abîmer Â», détaille la responsable du pôle conservation-restauration au musée du quai Branly.

Ces différentes opérations devraient nécessiter en tout trois à quatre semaines de travail et interviennent dix(10) jours après que le tambour a été « désacralisé » par des chefs de la communauté à laquelle il appartenait. Cette « désacralisation », opérée par les chefs de la communauté Bidjan, avait pour but de permettre à des mains profanes françaises de le restaurer.

Il s’agit là d’un ensemble de démarches diplomatiques fait par l’actuelleAmbassade de Côte d’Ivoire en France dirigée par l’ancien ministre de la Culture et de la francophonie, monsieur Bandaman Kouakou Maurice de Taabo, qu’il faut saluer au passage. Comme diraient les « Ivoiriens nouveaux Â», merci le père !

Un mot du ministèreivoirien de la Culture

Plusieurs années sont passées après la publication de l’information selon laquelle la France a donné, à travers son président Emmanuel Macron, son accord pour le retour en Afrique, précisément en terre ivoirienne, des 149objets qui ont été pris pendant la colonisation.« Il s’agit là du principe Â», selon une personne hautement placée du ministère ivoirien, sous un anonymat bien sécurisé.

Avant de poursuivre : « Mais dans la phase pratique, c’est un peu plus compliqué. Politiquement, avant la signature du président Macron pour le retour des objets en Côte d’Ivoire, il faut l’accord de l’Assemblée nationale française.  Le sénat ou les sénateurs également vont aller s’asseoir pour travailler sur cette affaire car ils ont un mot à dire. C’est pour cela que je dis que la politique a son ok à donner d’abord…Parce que sur le plan économique, il y a de grands enjeux qui entrent en ligne de compte. Vu que les objets en question sont dans les musées en France, allez donc imaginer les effets en termes de manque à gagner, en termes de presque perte que le transfert de nos Å“uvres va causer au pays anciennement colon qu’est la France. Vous n’avez aucune idée des reproches qui ont pu être faits au président Français après sa décision presqu’euphorique annonçant que nos Å“uvres allaient nous revenir ! Â»

Thierry LEE


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